Réponse à l’article,A mon frère et ami David, du Dr Moudassirou Katakpaou-Touré publié le 05 octobre 2012 sur www.togocity.com.
C’est à travers le mail d’un lecteur ce matin que j’ai été informé de votre lettre, intitulée A mon frère et ami David, en réaction à mon article L’islamophobie aux enfants de 77 ans publié dans un de mes blogs et dans des sites dont www.togocity.com. Laissez-moi d’abord vous dire, Mr Moudassirou, que c’est le ton courtois du titre qui m’a frappé. Ça fait du bien. Et c’est pourquoi j’ai décidé de vous répondre en quelques mots, même si je n’ai pas l’habitude de répondre aux réactions à mes publications.
Mr Moudassirou, contrairement à ce que laisse entendre votre réaction, je n’ai aucune haine, mais alors aucune, contre les musulmans, encore moins les musulmans maliens qui m’entourent. Les Maliens, presque tous des musulmans, sont des gens très accueillants et très aimables. Je vis, depuis plus de quatre ans maintenant, dans un pays où, à part quelques déboires instaurés ces derniers temps par les politiques qui poussent de plus en plus les Maliens à voir dans les étrangers ressortissants de la Cedeao de potentiels ennemis de leur pays, je vis, donc, dans un pays d’accueil où je me sens comme chez moi, avec mes voisins qui m’aiment bien, mes camarades de classe de qui je garde de très bons souvenirs, mes collègues qui ne me voient jamais comme un étranger, mes employeurs qui m’accordent des privilèges que je n’espérais pas en arrivant ici, mes étudiants qui me préfèrent même souvent à leurs frères maliens – sauf des filles des fois qui me refoulent à la drague parce qu’elles jugent les Togolais trop… euh trop… vous voyez, hein (rires).
Mr Moudassirou, malheureusement, et c’est là tout le nœud de mon message, je ne saurais attribuer ces vertus des Maliens à l’islam. Justement parce que selon ce que j’ai observé au Togo avec le christianisme, et ce que j’observe ici avec l’islam, ces religions, chaque fois qu’elles s’illustrent, c’est pour briser la convivialité et cultiver des vices, des suffisances, des insuffisances, des méchancetés, au nom de leurs dogmes. Je ne me suis jamais insurgé contre les musulmans, tous mes meilleurs amis depuis plus de quatre ans maintenant, avec qui je mange, bois, ris, discute, pleure, dors même des fois, étant des musulmans. Et cela vous étonnerait même peut-être, je leur ai demandé de m’enseigner un peu le Coran, ce qu’ils ont fait avec joie, sans jamais avoir cherché à me convertir à l’islam. J’ai appris beaucoup de choses sur Mahomet, sa vie, ses conquêtes, ses successeurs, les sourates… J’ai aimé certaines parties, et je n’en ai pas aimé d’autres, tout comme pour la Bible que ma mère m’a enseignée, dès mon enfance, par menaces et coups interposés.
Ce que je critique, je condamne, pour reprendre vos mots, c’est ces excès, ces vices, ces bêtises que cultivent certains musulmans – et là je ne parle pas des islamistes -, ces musulmans qui sont prêts à justifier tous les travers et les perversités de cette Terre par leur religion. En 2009, des imams maliens ont mis dans la rue des manifestants pour protester contre un code de la famille qui fixe à dix-huit ans l’âge légal de mariage de la jeune fille et qui confère une plus grande liberté à la femme. Sacrilège. Les manifestants ont crié et pillé dans les rues, arguant que le Mali est un pays musulman, qu’on ne doit pas leur interdire de marier les filles en bas de dix-huit ans, et surtout donner des droits plus élargis aux femmes… Des parents marient, devant des imams, leurs filles avant même leur puberté à des hommes de la quarantaine et de la cinquantaine, des hommes que ces filles ne connaissent même pas dans la plupart des cas. Le Mali est un pays musulman, te répondent-ils quand tu t’indignes. J’ai vu des horreurs et des horreurs, des hypocrisies et des hypocrisies, des mensonges et des mensonges qui ont été justifiés, par leurs auteurs, par l’islam. Et c’est là le problème, celui-là même que je soulève.
Mr Moudassirou, en juin passé, j’ai rencontré, à Bonn, en Allemagne, durant un forum où j’étais invité, un journaliste africain musulman avec qui j’ai sympathisé. Durant une soirée que nous avons passée dans un bar à boire de la bière au cours du match Allemagne-Italie comptant pour l’Euro 2012, nous fûmes filmés par un journaliste de la chaîne allemande Deutsche Welle qui nous accompagnait. Après la soirée, de retour à l’hôtel, mon ami me demanda de l’aider à expliquer au journaliste qui nous avait filmés de supprimer ses photos, parce que ce serait un scandale si ce dernier publie ces photos sur le site du forum ou ailleurs sur Internet, et qu’on le voit prenant de la bière que sa religion, l’islam, ne permet pas. Je lui ai demandé pourquoi il avait pris de la bière si sa religion ne le permet pas. « Mon frère, c’est l’islam et on fait avec », m’a-t-il répondu en riant. Bien sûr que je ne l’ai pas aidé. La seule aide que j’aurais pu lui porter était d’inciter le journaliste à publier les photos, pour qu’on voit l’hypocrite prenant de la bière, qu’on crie haro sur lui dans sa communauté musulmane, et qu’il réussisse à être vraiment ce qu’il est, et non à se tuer à paraître ce qu’il n’est pas.
Mr Moudassirou, les dogmes religieux qui poussent des gens bien, des gens aimables à devenir des monstres, des hypocrites, des menteurs… pour paraître des croyants pieux, voilà le problème, ce que je condamne. Chez les musulmans, et les chrétiens. Je me rappelle qu’en décembre 2007, quand j’informais ma mère que je venais de décrocher un stage dans une banque au Mali, et que je comptais y partir, elle m’avait regardé pendant une dizaine de minutes, avait soupiré et avait lancé la sentence «Tu n’iras pas dans ce pays de musulmans.» J’avais souri, et lui avais répondu «Hein, et moi je ne continuerai pas à vivre dans ce pays de chrétiens, à voir mes diplômes vieillir, j’irai dans ce pays de musulmans, parce que ton Christ n’a pas pu me trouver du travail dans ce pays de chrétiens.» Quelques jours après, j’étais au Mali. Et tous les jours, quand on s’appelle, la première phrase qu’elle me dit après les salutations est «Je te le dis une fois de plus, n’épouse pas une musulmane là-bas, je ne l’accepterai pas. »
Voilà, cher frère Moudassirou, les phrases, les comportements, les habitudes puant la haine et l’intolérance que nous devons bannir de notre quotidien. Tout comme nous nous indignons contre la politique et ses acteurs qui nous maltraitent, indignons-nous aussi contre la religion et ses dogmes qui nous dénaturent et nous empêchent de rester les gens bien que nous sommes. Osons regarder en face ces religions monothéistes qui nous furent vendues à coups de crosses et de baïonnettes. Ce que nous ne faisons pas aujourd’hui. Ou pas assez. Les musulmans surtout.
Amitiés
David Kpelly
PS : Mr Moudassirou, pour les reproches, vous avez le plein droit de m’en faire comme vous voulez, et n’avez pas besoin de demander mon autorisation pour les faire ou me critiquer, car c’est à travers les reproches et critiques des gens bien qu’un homme se construit. C’est pour cela que vous m’appelez votre frère et ami. Et je le suis. Avec plaisir.
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