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 L'élu de la réforme



C’est l’Afrique, celle du vingt-et-unième siècle, celle des innombrables dictateurs aussi effrontés qu’éhontés et de leurs soi-disant opposants (qui s’opposent à qui et à quoi, Dieu Mawu seul sait), dans sa nudité la plus totale, qui est peinte, sans fard, dans les huit nouvelles qui composent ce recueil, le premier ouvrage d’un jeune auteur togolais, composante de cette tourbe que constitue la jeunesse du continent noir, une jeunesse « qui n’a pas d’histoire », une jeunesse «qui n’a pas d’espoir ». Le décor est un petit pays africain imaginaire et sans nom (probablement de l’Afrique de l’Ouest que l’auteur n’a jamais quittée depuis sa naissance), partagé entre un régime dictatorial couvant pendant des décennies de règne les plus vilains maux qui ont rongé le continent noir depuis les années des indépendances : corruption, démagogie, prévarication, népotisme, restriction de la liberté d’expression… meurtres, et un parti d’opposition, le parti de la réforme, dont le président national, « noble descendant de la race blanche », bien que vu par le peuple comme l’un des plus riches hommes de la planète Terre, oh, plutôt de l’univers, n’a jamais donné un seul centime à ses « sincères et incorruptibles » militants qui n’hésitent pas (comme par exemple en 2005 « quand poussait Petit Baobab ») à se faire tuer pour l’amour de son mythique parti. L’armée y est omniprésente, et, comme elle sait très bien le faire en Afrique, se trompe de fonctions, terrorise, mutile, tue selon les humeurs du parti au pouvoir. N’allez pas leur demander, à ces brutes, d’aller combattre dans un pays voisin en guerre, « on raconte, affirme l’un des personnages du recueil, qu’ils passent tout leur temps à se cacher derrière les autres, cherchant par tous les moyens à fuir » ! Les considérations raciales et tribales, nourries par les militants du parti de la réforme, se baptisant descendants « des premiers Blancs à fouler les côtes africaines », divisent le petit pays à la grande joie des démagogues ! Le Président vole, baise, tue, s’entoure de cultivateurs analphabètes. Les ministères n’existent que de nom, guettant des phénomènes naturels (une éclipse solaire par exemple) pour se manifester et battre campagne pour le parti au pouvoir. Le parlement, assemblée de véritables ours mal léchés, parle et ment. Les opposants, les réformateurs, descendants d’anciens esclaves, se prenant pour des Blancs Yovos, pauvres mais vantards, jouent sur la naïveté d’un peuple divisé mais qui n’espère qu’une réforme qui pourtant ne lui apportera pas une coupe moins amère que celle qu’elle a bue depuis les indépendances. Les jeunes garçons, dupés et passés à l’as, se battent, chôment… se laissent corrompre pour survivre, et les jeunes filles, en quête de fortune et de la gloire facile, se font baiser par de vieux boucs. La presse privée, turbulente que jamais, crie et dénonce, et est, comme partout en Afrique, châtiée sans pitié. La déception et la désolation règnent dans le cœur du peuple sans sauveur. On est dégoûté par l’Afrique et les Noirs et on se tourne vers les anciens colons, « Blanc mort vaut que Noir vivant » se dit-on !

Le ton est amer, sulfureux, fiévreux, malgré la dose excessive d’humour destinée à rendre l’atmosphère moins morose, et l’auteur (délibérément ou par manque d’expérience) surgit de temps en temps, efface carrément ses personnages, aligne ses injures, affiche sa révolte envers les acteurs politiques africains, premiers responsables de l’ « agonie » du continent noir, ce qui fait confondre peu ou prou certaines des nouvelles à des essais. « La peste sur vos maisons, politiciens, que la désolation ne quitte jamais vos toits », hurle-t-il à travers un de ses personnages.

L’Elu de la réforme, c’est une autre face de l’Afrique qui n’est plus peinte comme celle qui a été victime de l’esclavage et de la colonisation, celle qui se dit toujours opprimée, et qui, sacrée paresseuse, aiguise ses crocs pour répondre à quiconque voudrait lui dire qu’elle n’est pas entrée dans l’Histoire, mais comme la sorcière de ce conte qui dévore sa propre progéniture et qui ne s’en sortira jamais si elle ne se repentit de ses fautes cachées. « Et elle (l’Afrique), ne bougera pas, pas même d’un seul pas, si nous ne changeons pas nos habitudes », affirme l’auteur.

 

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