Le Frac, de la marche à l'errance!

Le Frac, de la marche à l’errance !

Voici presque cinq mois que cette partie de rigolade d’élection présidentielle s’est déroulée au Togo, voyant, comme toujours, la victoire du Rassemblement du Peuple Togolais, RPT, qui depuis l’avènement de la démocratie et du multipartisme n’a plus remporté une seule élection au Togo. Voici donc presque cinq mois que le peuple togolais, toujours uni derrière l’opposition, s’est encore fait brimer dans ses droits.

Et pour réclamer sa victoire, l’opposition, qui avant se résumait généralement à l’UFC de Gilchrist Olympio, mais qui cette année s’est renforcée par de nouvelles forces comme Kofi Yamgnane et Kodzo Agbéyomé, demande au peuple de marcher.

Et le peuple marche. Le peuple marchera encore. Le peuple marchera toujours. Mais sans succès.

Le peuple togolais marchera pendant un an, dix ans, un siècle… une éternité sans succès, et l’opposition togolaise le sait très bien, car le Togo n’a jamais fait partie de ces pays où marcher peut signifier autre chose à part se déplacer à pied d’un lieu à un autre. Le RPT est un parti dictatorial, un vrai. Et marcher, et manifester ne peuvent rien représenter pour ce régime qui a depuis longtemps cessé d’écouter le peuple qu’il prétend gouverner. En 2005, les Togolais avaient fait mieux que marcher pour manifester leur haine envers le parti au pouvoir. Ils s’étaient révoltés contre l’armée. Le résultat, ce fut de milliers de morts, des dizaines de milliers de blessés, de mutilés, de réfugiés... Pour rien.

Le peuple togolais marchera pendant un an, dix ans, un siècle… une éternité sans succès, et l’opposition togolaise le sait très bien, car, au fond, ces marches des samedis pour contester la victoire volée de Faure Gnassingbé ne signifient rien, mais alors absolument rien. Ces marches n’ont aucun sens si ce ne sont des exutoires pour des jeunes désoeuvrés n’ayant rien trouvé pour tromper leurs ennuis de tous les jours. Ces marches n’auront aucun sens tant que Gilchrist Olympio et ses sept valets resteront dans l’actuel gouvernement. Il n’y a pas deux UFC au Togo, une reconnaissant la légitimité du régime de Faure Gnassingbé en s’y associant, une autre contestant ce régime à travers des marches. Le seul parti nommé UFC au Togo, et qui a pour président national Gilchrist Olympio, a reconnu la victoire de Faure Gnassingbé et collabore avec ce dernier. Une autre UFC qui se jette dans la rue tous les samedis n’est qu’un groupe de délinquants ayant pour but de perpétrer des actes de vandalisme. Amère, cette vérité. Mais vérité quand même. Les partis de Kodzo Agbéyomé – d’ailleurs liquidé, et celui de Kofi Yamgnane – qui n’a pas participé aux élections, ne sont rien du tout pour contester une élection reconnue transparente par la Communauté internationale. Le CAR, arrivé en troisième position à l’issue des élections, ne fait pas partie du Frac qui marche. Quel est donc le sens de ces marches-là qui rassemblent rien que des partis politiques qui n’en sont réellement pas ? Le RPT a tous les droits aujourd’hui, si cela lui plaît bien, d’arrêter ces marches, car son principal adversaire, l’UFC, a reconnu sa victoire et partage le pouvoir avec lui. Et les opposants togolais qui organisent ces marches le savent très bien. Ils savent très bien, ces leaders du Frac, que toute tentative du Frac pour s’emparer aujourd’hui du pouvoir, quelle que soit la manière, sera illégale, tant que l’UFC ne redeviendra pas un seul parti politique qui conteste les magouilles du parti au pouvoir.

Les expériences passées – car nous devons en avoir après vingt ans de statu quo, doivent nous apprendre que la politique ne peut se faire avec le cœur. Le cœur, ça sert à aimer ou à haïr. L’opposition togolaise ne comprend toujours pas que le sentimentalisme ne peut rien contre une maffia comme le RPT, et que ce n’est qu’à travers des stratégies bien planifiées, réfléchies, qu’elle pourra espérer savourer cette victoire qu’elle attend depuis deux fois dix années.

Et la stratégie, celle qui est pour le moment à portée de main, c’est la reconstitution illico de l’UFC, le parti politique le plus populaire du Togo. Le seul parti qu’aime le Togo. Etendre les marches des samedis à Kpalimé et Atakpamé, c’est de la pure plaisanterie, des balivernes. Nous risquons, après les cinquante prochaines années de notre indépendance, de faire un autre bilan rien qu’avec nos suffisances et nos insuffisances si nous continuons de confondre la politique à une amourette collégienne.

Jean-Pierre Fabre doit reconnaître son impopularité et accepter qu’il ne peut jamais représenter l’UFC sans Gilchrist Olympio.

Gilchrist Olympio doit comprendre qu’il perdra son UFC, qu’il se perdra, sans Jean-Pierre Fabre et le peuple togolais.

C’est le comble de l’humiliation, de la faiblesse, de la bassesse, que de voir aujourd’hui Jean-Pierre Fabre et Gilchrist Olympio s’envoyer des menaces réciproques par boutades interposées après tant d’années passées ensemble à lutter sans relâche contre la dictature du RPT.

Agbéyomé Kodzo et Kofi Yamgnane doivent comprendre que leur réussite ou leur échec éternels au Togo ne tiennent à rien. Rien à part un petit sursaut d’humanisme qu’ils ont toutes les opportunités et les menaces aujourd’hui de réaliser ou d’étouffer. Et ce petit sursaut d’humanisme, c’est de convaincre Jean-Pierre Fabre à aller discuter avec Gilchrist Olympio pour que ce dernier rompe ce soi-disant accord signé avec le RPT et qui n’arrange personne au Togo à part Faure Gnassingbé et sa jet-set de Lomé 2 qui le brandissent partout comme le trophée du siècle. Le leur.    

Le peuple togolais attend. Ah, il marche, comme l’opposition le lui demande. Mais il attend que cette marche s’arrête. Car une marche, une marche réfléchie, la marche de tout un peuple, un peuple qui veut devenir une nation, la marche d’une histoire, de l’Histoire, ça doit toujours avoir un point de chute. Et quand elle n’en a pas, eh bien, ce n’est pas une marche, c’est une errance.