Décentralisation et non démocratie, Monsieur le Maire!

Décentralisation et non démocratie, Monsieur le Maire !

Aussi longtemps que chante le coq, grand-père fera un jour découvrir sa hernie qu’il a toujours cachée à ses petits-fils. Proverbe de grand-maman.

Pas plus tard qu’hier, je parlais dans mon billet, Togolais viens, désertons la cité, du népotisme et de la corruption sans nom instaurés au Togo par Eyadema et sa bande du RPT durant plus de trois décennies, et qu’il a légués, comme on lègue un domaine familial, à son dauphin qui lui a succédé et dont je n’ai pas envie de citer le nom ce soir parce que vu l’état dans lequel je suis en train de rédiger ce billet, je risque de faire une crise cardiaque si je saisis le nom de ce petit prince héritier devenu un voleur sans vergogne d’élections, imposé par l’armée togolaise au peuple togolais depuis 2005. Passons, wallahi !

Dapaong vient d’humilier le Togo ! Dapaong ? Non ! Ah, pauvre Dapaong et ses belles filles, et ses pintades ! Le maire de Dapaong, Mr – non il ne mérite pas qu’on l’appelle monsieur... Euh le maire de Dapaong El Hadj Tchedé Issa Yendoupab, qu’il s’appelle – il aurait fait un très bon footballeur avec ce nom, vient d’humilier le Togo, notre Togo à nous, ce Togo que nous avons toujours vanté partout où nous passons comme le temple du savoir. Ce Togo qui mérite largement ce titre de temple du savoir, et qui a toujours donné des fils et filles dignes qui ne frémissent jamais quand on parle papier et stylo.

Ce vieux, très vieux monsieur, qui normalement doit rester chez lui à la maison, allongé du matin au soir dans un fauteuil, en train de raconter des histoires à ses arrière-petits-enfants, en attendant son imminent départ pour l’au-delà, interviewé sur Africable, une chaîne suivie par des millions et des millions d’Africains, dans le cadre du passage de la caravane de l’intégration au Togo, a révélé à ces millions d’yeux ce qu’est ce petit rectangle de pays.

Tout a mal commencé. Le supposé maire de Dapaong n’arrivait même pas à situer sa ville, glosant qu’elle est située à six cents kilomètres au Sud de Lomé – dans l’Océan Atlantique donc !, et a pris plus de trois minutes pour énumérer les villes environnantes, bégayant comme un mauvais élève du CP1 qui récite Ma main, voici ma main, elle a cinq doigts...  sous le regard pétrifié du journaliste. La suite fut plus pénible. Quand il fut demandé au maire d’énumérer les réalisations qu’il a faites dans sa ville : « Nous avons... euh... nous avons... oui, réparé les toits des hangars du marché emportés par le vent, nous avons demandé un financement, euh, nous avons, avec l’appui du gouvernement construit des hangars, construit l’abattoir de la ville... euh, des latrines, nous avons...euh... ». Le journaliste dut lui retirer la parole, lui demandant de laisser tomber la question, pour contrainte de temps. La fin fut humiliante, pour le maire, pour Dapaong, pour le Togo. Sa sainteté Monsieur le Maire qui parle de démocratie en voulant parler de décentralisation ! « ... il y a la démocratie, euh, la démocratie existe mais elle n’est pas encore complète et... » Le journaliste n’en croyait pas ses yeux : « Non, là, Monsieur le Maire, je vous arrête tout de suite, vous voulez parler de la décentralisation et du transfert des compétences et non de la démocratie, hein, les deux n’ont rien en commun, vous voulez parler de la décentralisation, on est d’accord ? »... Le reste ? Je ne l’ai pas suivi. J’ai tout simplement éteint la télé. Je connais mes nerfs.

Eh bien, voilà ce que ça donne, un pays pourri depuis presque un demi-siècle. Où le Rassemblement du Peuple togolais peut aller dans les champs ramasser des ânes bons à porter des sacs de maïs, qui n’ont jamais de leur vie traversé une cour d’école, et les placer à des postes si stratégiques, juste pour servir à bourrer les urnes pendant les élections. Dire que dans tout Dapaong, aucun intellectuel, mais alors pas même un seul ne peut être élu maire pour le bien des populations de Dapaong, pour le bien du Togo, et qu’il faut transformer la mairie en étable pour y caser ânes, moutons, chèvres... ! Voilà les trucs qui dirigent aujourd’hui ce Togo qui nous échappe au jour le jour. Ces gens dont nous devons espérer l’avenir de notre pays, le nôtre, nous les jeunes Togolais. Des tas de vauriens qui non seulement ne sont pas instruits mais ne sont pas non plus intelligents. Car l’intelligence, c’est de se faire remplacer sur un terrain où on est incapable de réussir. Ce vieux maire, sachant très bien qu’il ne sait pas parler français, sachant qu’il ne connaît rien de la ville dont il est le maire, pouvait bel et bien, pour l’honneur du Togo, se faire remplacer par son adjoint, pourvu que ce dernier ne soit plus analphabète que lui, comme généralement c’est toute une chaîne d’analphabètes qui se forme dans ces instituons et entreprises publiques togolaises.

Ce nullard de maire n’est pas l’alpha et l’oméga de cette horreur au Togo, loin de là ! Le saint des saints est plus infecté. Allez dénombrer combien d’incultes laissant partout où ils passent les traces de leur incompétence notoire, votre truc-là et son Premier ministre ont choisi pour les entourer, que ce soient le(s) directeur(s) de cabinet de la Présidence, les ministres, les députés, les conseillers à la Présidence – ah, ce titre au Togo !...

Le moins que vous puissiez faire, messieurs, c’est de chercher des syllabaires Mamadou et Bineta et apprendre à lire et à parler français, comme vos parents cultivateurs qui n’ont jamais imaginé que vous deviendrez des gens inportantissimes, ne vous ont pas inscrits à l’école. Epargnez-nous au moins ces humiliations. La qualité de l’éducation togolaise, voilà l’un des rares points qui nous rendent fiers de ce pays. Ne nous l’arrachez pas, cette fierté. L’ex-ministre Gilbert Bawara, lors d’un passage sur RFI dans l’émission Médias d’Afrique, avait fait un fiasco sans nom quant à son expression orale – il n’avait peut-être jamais eu de prof de français durant son cursus scolaire, le pauvre Gilberto, mais ce que vient de faire ce maire de Dapaong, à la face de l’Afrique, à la face du monde... Huuumm !

Que ça-là qui dit diriger le Togo pense déjà à remplacer ce Toto de maire avant les prochaines élections, pour le bien du RPT toujours au pouvoir, parce que quelqu’un qui confond décentralisation et démocratie, deux termes qui n’ont même pas un arrière-grand-parent commun, eh bien, il peut aussi facilement, je crois bien, lors des bourrages d’urnes, confondre les bulletins du RPT et de l’opposition.

PS : A lire prochainement : Les termes « habitant » et « citoyen » définis par le maire de la commune de Kara, Mr Essodona Amaou.