Cette interview a été réalisée par Cheik Mady Traoré, pour l’hebdomadaire malien Maliba News.
Voici plus de deux semaines que l’armée française est intervenue au Mali pour combattre les islamistes qui ont occupé le Nord de notre pays depuis mars 2012. Dans l’ensemble, cette intervention a été favorablement accueillie par le peuple malien, même si certaines voix ne sont pas d’accord. Le jeune écrivain et blogueur togolais David Kpelly, qui vit dans notre pays depuis cinq ans, est l’une des voix qu’on a le plus écoutées durant cette intervention, notamment sur ses blogs, les sites maliens et africains, et sur les réseaux sociaux comme Facebook et Twitter. Nous avons décidé de lui poser trois questions sur sa position sur cette l’intervention.
David Kpelly, bonjour. En lisant vos articles sur l’intervention de l’armée française au Mali, on sent que vous êtes à cent pour cent d’accord avec cette intervention. Quelles sont vos motivations dans cette prise de position ?
Merci de me donner l’opportunité de partager avec vos lecteurs ma position sur cette intervention. J’ai effectivement, depuis l’intervention française le 11 Janvier 2013, publié une dizaine d’articles où j’ai souligné combien elle est salvatrice pour le Mali. Vous savez, je crois que dans certains cas, il nous faut nous débarrasser de nos longs discours idéalistes et être réalistes. Tout le monde avait compris que nos militaires n’étaient nullement pas motivés à combattre, traumatisés par le malheur de leurs collègues qui ont été égorgés par les rebelles touaregs et les islamistes lors de la prise des villes du Nord. Ces islamistes-terroristes savaient qu’ils pouvaient facilement piétiner le Mali, sous les yeux de cette armée malienne démotivée, désorganisée et mal équipée. Ils avaient d’ailleurs lancé leur offensive, prenant sans défense les villes, s’avançant à grands pas vers Bamako. La force d’attente promise par la Cedeao n’était pas prête pour intervenir. L’Algérie dont la puissance militaire pouvait aider le Mali a décidé de jouer au voisin hypocrite, la plupart des islamistes étant ses ressortissants. A qui le Mali pouvait-il faire appel à part la France, la puissance dont elle se sent le plus proche ?
Certains parlent de néocolonialisme, d’occupation, de croisade ou de guerre contre l’islam, qu’en pensez-vous ?
Bah, personnellement, entre le néocolonialisme à vie et la charia en un seul jour, je choisis le néocolonialisme à vie. La majorité des Maliens sont du même avis, c’est ce qui explique l’enthousiasme des Maliens pour cette intervention. Depuis cinq ans que je vis au Mali, je n’ai jamais vu le drapeau français si honoré. La France est chantée partout à Bamako et à l’intérieur du pays par des Maliens qui sont réputés être de très gros antifrançais. J’ai souri en lisant récemment l’article d’une blogueuse de Tombouctou qui comparait le président français François Hollande à Soundiata Keita, libérateur du Mali. Quant à ces religieux toqués aveuglés par des dogmes qui ont une fois de plus cherché à instrumentaliser l’islam dans cette guerre, affirmant que les Français sont là pour lutter contre l’islam et non le terrorisme, ils ont eu la réponse des deux plus influents religieux du Mali, Mahmoud Dicko et Madani Haïdara, respectivement président et vice-président du Haut Conseil islamique du Mali. Ils ont été très clairs en affirmant leur soutien à la France. Que tous ces islamistes, à l’instar du président égyptien Mohamed Morsi, qui ne supportent pas que leurs frères islamistes-terroristes soient combattus, les accueillent chez eux. Les Maliens n’en veulent point.
On parle aussi d’une guerre qui coûtera très cher au Mali. Etes-vous de cet avis, ou pensez-vous que l’intervention de la France est gratuite ?
Gratuite ! Mais non ! La France n’est pas un bon Samaritain. Elle a ses problèmes à elle, et je ne vois pas trop pourquoi elle déploierait tout cet arsenal si coûteux au Mali gratuitement. Ne nous voilons pas la face, il va falloir payer cette guerre d’une manière ou d’une autre. Une guerre, ça coûte énormément, je crois. Vous voyez déjà nos pays de la Cedeao qui quémandent de l’argent partout pour pouvoir intervenir. C’est là la honte, notre honte. Nous parlons de pays souverains sans avoir des institutions financièrement capables de défendre notre souveraineté. Si nos Etats avaient été de vrais Etats, ils se seraient mis ensemble pour sauver leur voisin le Mali, et on aurait pu se passer de la France. Cela n’avait pas été la cas, le Mali a fait appel à celui qui pouvait l’aider à survivre à l’islamisme, quel que soit le prix à payer. Il y a ce proverbe de mon peuple éwé qui stipule que quand on n’a rien pour se défendre contre le tigre, on peut voler le fusil du lion, même s’il va falloir après affronter la colère du lion.
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