Il a fait un grand buzz ces derniers temps par une série d’articles et de déclarations sur l’islam et l’islamisme, déclenchant des réactions diverses et contradictoires notamment sur son blog et dans des sites maliens. Yao David Kpelly, écrivain togolais vivant à Bamako depuis plus de quatre ans, blogueur sur la plateforme Mondoblog de la Radio France internationale, RFI, professeur de Marketing-Management et Communication, a accepté de recevoir notre journal en ce jour de la fête de la Tabaski, et répondre à trois questions sur sa vision de l’islam.
La Gazette bamakoise : David Kpelly, bonsoir, vos dernières sorties sur l’islam ont fait un grand bruit, notamment sur le Net, beaucoup vous ont applaudi pour votre courage, mais d’autres vous ont traité d’islamophobe. Que répondez-vous ?
David Kpelly : Merci de m’accorder cette opportunité. Euh, vous me demandez ce que je pense de ceux qui me traitent d’islamophobe. Je vous réponds que non, je ne suis pas un islamophobe, même si je ne crois pas que je pourrai complètement blâmer aujourd’hui ceux-là qui manifestent vis-à-vis de l’islam une haine plus ou moins poussée. Parce qu’il y a un proverbe de mon peuple éwé du Togo qui stipule qu’il suffit qu’il y ait dans une ferme un seul homme aux cheveux roux qu’on surnomme cette ferme « la ferme des cheveux roux ». Vous pensez qu’une mère qui perd son fils dans une explosion provoquée par un kamikaze qui prétend faire une guerre sainte au nom de l’islam, du Coran et de Mahomet, vous pensez donc que cette mère-là peut faire la différence entre musulman et terroriste ? Vous pensez que la femme et les enfants de l’ambassadeur américain tué à Benghazi pourront facilement faire la distinction entre les bons musulmans, ceux-là qui sont pacifiques et tolérants, et les faux, ceux-là qui tuent ? Leur mari et père a été tué par des hommes qui prétendent défendre Mahomet, Allah et le Coran, et c’est ce qu’ils retiendront. C’est ainsi, ce n’est pas moi qui l’invente.
Laissez-moi un peu extrapoler. Je viens d’un pays, le Togo, pris en otage par un dictateur, Eyadema Gnassingbé, pendant presque quarante ans, et ensuite par son fils, Faure Gnassingbé, pendant maintenant sept ans. Certains Togolais ont fini par détester toute la famille Gnassingbé, parlant même de dictature familiale, et même toute son ethnie kabyè, la croyant source de tous les malheurs du pays… alors que vous convenez avec moi qu’il y a dans cette famille Gnassingbé et dans l’ethnie kabyè des gens aussi pauvres, malheureux et opprimés que les autres Togolais. Je suis le petit-fils du chef traditionnel de mon village, et à cause des travers de mon grand-père, toute ma famille, dont moi, a une très mauvaise réputation dans mon village. Vous savez, dans certaines conditions, il est difficile, très difficile de ne pas faire des généralisations. Voilà la situation de l’islam aujourd’hui, un groupe de fanatiques qui salissent cette religion, en interprétant d’une manière ou d’une autre ses dogmes.
La Gazette bamakoise : Donc, si on comprend bien, pour vous, le grand problème de l’islam aujourd’hui c’est les islamistes.
David Kpelly : C’est trop facile de mettre tous les travers de l’islam sur les islamistes. A part les islamistes, il y a aussi certains musulmans qui se disent modérés mais qui commettent des horreurs au nom des dogmes de l’islam, refusant la moindre critique et autocritique. Contrairement à ce que pensent ceux qui me traitent d’islamophobe, et qui croient que j’ai un problème particulier avec l’islam, je suis, bien que je sois chrétien, très acerbe vis-à-vis de ma propre religion, le christianisme. Lisez les nouvelles intitulées « Le string fleuri de Marie », « Le baiser des cadavres », « Pépé bazardé » de mon dernier livre, Apocalypse des bouchers, et « Un démon dans le soutif du pasteur », « La femme du pasteur et du fou », « Les cadavres fumeurs de la chapelle »… dans mon second blog, celui de chez RFI, et vous comprendrez comment je lacère les travers des pasteurs et des prêtres, sans que personne, alors pas même une seule personne ne me cherche des poux dans la tonsure. Alors qu’avec l’islam, à chaque brindille de critique, on subit des menaces, des interpellations, des attaques, on est obligé de se justifier… et finalement, on finit par nourrir une répulsion vis-à-vis de cette religion.
Je suis en train de lire le livre Ma Vie rebelle de la femme politique néerlandaise d’origine somalienne Ayaan Hirsi Ali, une musulmane révoltée contre sa religion. Je vous la résume en ce passage du livre : « … La corruption morale est bien plus grande dans les pays islamiques. La cruauté y est implacable et l’inégalité inscrite dans la loi. Les dissidents y sont torturés. Les femmes y sont opprimées à la fois par l’Etat et par leurs familles qui ont, légalement, le pouvoir sur elles. » Elle a réalisé un film, Submission, pour exposer sa révolte. Vous connaissez le résultat ? Le réalisateur néerlandais avec lequel elle a réalisé le film, Theo Van Gogh, a été atrocement assassiné en novembre 2004 par un mahométan d’origine marocaine, Muhammad Bouyeri. Quant à Ayaan la rebelle, la dissidente, ployant sous des menaces de mort et sa tête mise à prix, elle vit désormais entourée de gardes du corps, tout comme l’écrivain Salman Rushdie, un autre dissident. Dépassée, elle a fini par lancer lors d’une interview : « Je pense que nous sommes en guerre contre l’islam, et il n’y a pas de demi-mesure dans la guerre. »
La Gazette bamakoise : Et pourtant on remarque que dans certains pays africains à dominance musulmane, le Mali par exemple, il y a une certaine paix et tolérance. D’ailleurs vous-même qui êtes chrétien vous affirmez dans certaines de vos interviews que vous vivez sans aucun problème au Mali, et tous les adeptes des autres religions d’ailleurs. Comment expliquez-vous cela ?
David Kpelly : Je n’attribue pas l’hospitalité et les vertus des Maliens à l’islam, tout comme je n’attribuerai jamais les vertus des citoyens des pays à dominance chrétienne au christianisme. Vous savez, avant que ces religions ne nous soient apportées à coups de fusils, de baïonnettes et de crosses, nous étions hospitaliers en Afrique. Allez lire l’histoire de nos empires et de nos sociétés avant l’arrivée du christianisme et de l’islam. Ce sont plutôt ces religions qui nous divisent à chaque fois qu’elles s’illustrent. Et il est temps que nous ouvrions les yeux, souffrions d’écouter les critiques et osions l’autocritique, nous adeptes de ces religions.
Propos recueillis par Abdoul-Karim Thiam, pour La Gazette bamakoise.
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