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23 août 2010 1 23 /08 /août /2010 16:24

Miss-Togo-2010.jpg

 

 

 

Ah, ton biberon, ma missette !

Je me rappelle encore cette nuit où, suivant avec nous à la télé une élection Miss Togo, en 2004, je crois bien, ma grand-mère paternelle, 81 ans, s’était exclamée devant les candidates qui défilaient en maillots de bain sur le podium du Palais des Congrès de Lomé : « Nyonuvi nuto nuto woé alo énu tata woé ! » «  Est-ce de vraies filles ou des dessins ! » Nous avions tous pouffé de rire. Ah, pauvre grand-mère, elle ne pouvait pas imaginer que de vraies filles, des filles nées dans une famille, des filles ayant des parents, ayant une éducation, puissent se présenter ainsi devant un public.  Que veux-tu, hein, mémé, c’est la nouvelle génération. Et on gère, faut pas faire.

Je fus naïvement surpris dimanche devant la photo et l’article sur le site IciLome « Mlle Akumah Armande Gertrude, polyglotte âgée de 19 ans avec une taille de 1,78 m, a été élue Miss-Togo 2010 parmi vingt candidates en compétition dans la nuit de samedi à dimanche au Palais des Congrès de Lomé, a constaté l'Agence Xinhua. » Sincèrement, pour moi, ces élections dites de la plus belle fille du Togo doivent se noyer dans les vagues des agitations sociopolitiques qui battent leur plein actuellement au bled, et ne peuvent donc pas avoir lieu. C’est mal connaître ce monde-là !

Ah, les élections Miss, les élections Miss au Togo ! Missophobe – je ne sais pas pourquoi je déteste tant cette cérémonie qui a pourtant le mérite de vous faire gratuitement reluquer des cuisses bien lisses de pommade, je ne vais pas sombrer dans ces affirmations occultes et non justifiées qui ont toujours circulé sur la débauche sans nom qui a toujours caractérisé cette manifestation, même si je sais que ces affirmations sont vraies, un monde aussi louche ne pouvant être épargné de ces bassesses. Approchez-vous des anciennes candidates malheureuses, aigries, elles vous dévoileront tous les secrets sur ce temple de la chair. 

Malgré son extrême jeunesse – elle est juste à sa 16e édition, cette compétition représente au Togo l’une des plus médiatisées et suivies de la scène culturelle du pays, emballant tous les Togolais sans distinction de sexe, d’âge, d’ethnie, de conviction religieuse, de catégorie socioprofessionnelle... Même les militaires la suivent, cette sacrée élection – bon, je n’ai rien contre eux mais c’est drôle, voyons ! L’élection Miss Togo arrive même à mobiliser, comme sponsors, les plus grandes entreprises togolaises pourtant réputées pour leur méfiance vis-à-vis de toute technique marketing tombant dans l’évènementiel, très coûteuse donc. Rien d’étonnant quand on sait qu’investir dans un tel domaine ne peut jamais s’avérer dangereux, la marchandise en jeu, les paires de fesses, étant très prisée surtout dans les hauts lieux du pays.

Mais l’enjeu ! That’s the question ! Pourquoi élit-on, chaque année, ces filles ? Pas pour leur beauté, bien sûr. Car nous sommes tous d’accord qu’aucune de ces filles élues à l’issue de cette élection n’a jamais été belle, que ce soit dans le contexte africain, européen, américain, asiatique... Ces filles ne sont ni belles par leur forme – avec leurs fesses plates comme la quatrième de couverture d’un livre de Céline, leurs cuisses minces comme les tiges du rêve de Pharaon, ni par leurs visages rendus des fois multicolores par les produits cosmétiques qu’elles ne cessent de frotter à longueur de journée et leur sourire de petite star inventée, encore moins par leur démarche de mante religieuse tombée dans un bol d’huile. Les vraies belles filles, celles-là qu’un Africain, un Européen, un Américain, un Asiatique... s’accorderaient à l’unanimité à reconnaître belles, sont loin, très loin des sunlights des podiums. Elles sont dans les champs, dans les fermes, en train de fabriquer des rejetons rachitiques à des hommes trois fois plus âgés qu’elles.  

Pourquoi élit-on donc, chaque année, ces filles, si ce n’est pour leur beauté ? Beaucoup s’accordent à dire, sans preuve bien sûr, que l’heureuse élue n’est que le choix du président de la République ou d’une personnalité bling bling du pays, ou encore des directeurs des entreprises sponsors. Une affirmation qui, bien que trop vulgaire, triviale et indécente, ne peut être balayée d’un revers de la main. Nous sommes en Afrique, tout passe.

Généralement, on remarque que l’ultime étape qui sert à départager les candidates est celle de l’expression orale, où, à travers des questions de culture générale ou d’un domaine du savoir, on teste la capacité d’expression et de raisonnement des candidates. C’est la cacophonie ! Toutes les horreurs du monde y passent ! « J’aime la mariage parce que ça va me permet d’avoir une foyer... » Pauvre de Molière ! Si réellement c’est cette étape qui fait choisir les Miss, pourquoi, bigre, ne pas carrément transformer cette compétition en un concours littéraire ou de culture générale ? Ah, oui, les sponsors et les spectateurs ne s’y intéresseront pas. Quel ministre ou député accepterait-il payer un ticket de cinquante mille francs pour aller suivre un petit blanc-bec déclamer un poème ou lire une nouvelle ?

Ambassadrices de leur pays durant un an, les Miss s’engagent à consacrer leur mandat à la promotion d’un intérêt général : prise en charge des orphelins, lutte contre le sida, le paludisme, adduction d’eau potable... elles se substituent – sacrées prétentieuses – au gouvernement et aux organisations non gouvernementales, sans avoir aucun budget sûr à part les chèques que leur offrent les partenaires, et s’étonnent à la fin de leur débauche annuelle, euh, de leur mandat, que pendant plus de trois cents jours, elles n’ont servi que de marionnettes aux sponsors et organisateurs de la manifestation, errant de conférences en manifestations, d’inaugurations en soirées huppées, pour le bonheur des caisses de ces entreprises qui les ont mises sur leur sacré piédestal.

Celle de 2010, étudiante en 3e année de Management à 19 ans – sacré record ! entend consacrer son mandat à la promotion de l'éducation de la jeune fille au Togo. Plût au ciel qu’elle réussisse à faire, en un an, ce que la kyrielle de ministres de la Promotion de la Femme, et de l’Education qu’a connus le Togo depuis 1960 n’ont pas pu faire en cinquante ans. Je lui conseille, personnellement, de ne pas oublier, à chaque voyage, son biberon, parce qu’à 19 ans, un enfant, une fillette, a encore, toujours, besoin du lait maternel.

 

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