Avec Cédric Kalonji, Yaoundé 2011
Comment devient-on blogueur. La question m’a été posée ce matin, sur une chaîne de radio, par un groupe de jeunes étudiants désirant créer un blog communautaire relatant le quotidien pénible de la vie de l’étudiant malien. Tout comme celle à la question, Comment devient-on écrivain qu’on me pose généralement dans les interviews et conférences, je trouve la réponse à cette question, Comment on devient blogueur, si compliquée, dans la mesure où elle peut m’amener à donner une sorte de panacée aux futurs blogueurs qui n’ont forcément pas les mêmes motivations et objectifs que moi. Pour moi, tout comme l’écriture, le blog est avant tout une passion.
J’ai découvert le blog en 2007, avec celui de l’écrivain togolais Kangni Alem – lui qui deviendra quelques années plus tard l’un des tout premiers lecteurs et promoteurs de mon premier blog. Ensuite ce fut celui de l’écrivain franco-congolais Alain Mabanckou nommé Le Crédit a voyagé, une référence au fameux bar de son célèbre roman Verre Cassé, et celui de l’écrivain béninois Florent Couao-Zotti. Ces portails constituent pour ces écrivains majeurs de notre littérature un espace pour partager leurs opinions et visions avec leurs lecteurs, une petite fenêtre sur leur monde plus ou moins inaccessible. Je lisais aussi fréquemment, en 2008, le blog dénommé Congo Blog d’un jeune journaliste congolais étudiant à l’Ecole supérieure de Journalisme de Lille, premier blogueur de son pays, Cédric Kalonji – qui deviendra en 2010 un de mes encadreurs dans le projet Mondoblog de la Radio France internationale. Mes blogueurs de référence sont donc en majorité ces écrivains de notre littérature qui m’inspirent le plus.
Ma vie de blogueur n’est en fait qu’une partie, une extension de ma vie d’écrivain, mon premier blog ayant d’ailleurs été créé le jour où sortait mon premier livre, le 24 juillet 2009, avec des articles se rapprochant plus de courtes nouvelles que de billets d’information. Les articles politiques suivront quelques semaines plus tard, dans mon permanent souci de partager avec mes compatriotes mes visions sur le Togo, et me joindre à la lutte que mène le peuple togolais depuis des décennies contre la dictature des Gnassingbé. La plupart de ces articles sont repris dans des journaux togolais, ce qui fit très rapidement de moi un blogueur connu des internautes togolais. Mais la grande partie de mes articles demeure des œuvres de fiction, que j’écris avec la même attention et le même style que mes nouvelles et romans, avec un fort engagement politique en filigrane.
Je crois au blog, tout comme je crois à l’écriture. Ce sont mes armes, mes seules armes pour traverser mes océans, et aller au bout de mes rêves. De la prétention peut-être, mais j’y crois, je dois y croire. Et je serai très ravi de voir, un jour, la majorité des jeunes Africains bloguer, pour partager chacun sa passion, et arracher cette parole que refusent de nous donner en Afrique les dictateurs et certaines de ces coutumes-là qu’on dit nôtres, et qui refuseraient en public la parole aux jeunes gens, nous qui sommes les toutes premières victimes de la gestion catastrophique de nos pays. De Bamako à Douala, de Libreville à Lomé, de Dakar à Tripoli, de Tunis à Cotonou… toute une jeunesse africaine libre de s’exprimer, de crier ses joies, ses peines et ses espoirs, d’exister, enfin… voilà le défi que peut aujourd’hui relever le blog en Afrique. Et j’y crois, quelle que soit la manière dont chacun de nous devient blogueur.
Trois ans après la création de mon premier blog et deux ans après mon aventure avec Mondoblog, cette plateforme de blogueurs francophones mise sur pied par la Radio France internationale, la relation entre ma vie d’écrivain et ma vie de blogueur s’accentue, la plupart des lecteurs de mes blogs à la recherche du blogueur sulfureux et sarcastique, qui se dépeint comme un dandy macho, infidèle et provocateur, découvrant un jeune écrivain à la recherche d’une identité et d’un style, qu’ils s’empressent de lire. Tu n’as pas un blog, toi, tu as un roman en ligne, me disait Cédric Kalonji à Yaoundé en 2011 durant une formation des blogueurs de la plateforme Mondoblog à l’université de Yaoundé. Un roman que j’aimerais que tout jeune Africain puisse écrire un jour, à sa manière, avec ses propres mots, ses moyens, ses motivations, pour que l’esprit, notre esprit tant étouffé, puisse se libérer de ses peurs et de ses insuffisances, et créer de la matière.