Une des plus grandes plaies du peuple togolais, et qui le paralyse depuis presque cinquante ans maintenant dans sa lutte pour la libération, est cette étonnante facilité avec laquelle nos politiques – presque tous de mauvaise foi, arrivent à nous diviser sur tous les points, sur tous les fronts, dans toutes nos convictions. Notre peuple passe pour un peuple étrange, car il n’arrive jamais à se battre d’une même voix pour la défense de ses idéaux, et c’est triste de constater que ce peuple qui a pourtant depuis longtemps compris qu’il ne peut se libérer qu’à travers une lutte unique et ordonnée, se laisse facilement manipuler par les petits calculs louches de nos diviseurs de politiciens.
Je suis très horripilé, en faisant un tour dans la presse togolaise, de constater les relents ethnocentriques que certains hommes politiques et leaders d’opinion maffieux cherchent à donner à l’affaire Pascal Bodjona contre Faure Gnassingbé. On cherche à nous faire croire que Faure Gnassingbé, de mère sudiste, donc pas complètement accepté par les gens du Nord, serait en train de monter ce coup pour éliminer le défenseur des intérêts du Nord, Pascal Bodjona, un Nordiste complet, préféré des originaires du Nord et probable candidat aux prochaines élections présidentielles togolaises. La même rengaine que lors de l’arrestation et l’emprisonnement de Kpatcha Gnassingbé, le demi-frère de Faure. Du coup, certains jeunes du Nord, se croyant touchés, brimés, se sont alignés derrière Pascal Bodjona leur messie, contre Faure Gnassingbé le démon métissé.
Et, comme chaque fois, quand l’affaire tourne ainsi, rien ne peut plus maîtriser les passions, et tout devient chaos, fiasco, chacun oubliant la lutte populaire, la lutte juste, pour défendre les intérêts de sa région, de son ethnie, de sa famille... Les politiciens le savent très bien, et jouent habilement la carte quand il le faut, tant au sein du parti au pouvoir que dans l’opposition. L’affaire Pascal Bodjona contre Faure Gnassingbé tend donc ainsi à devenir une affaire du Nord contre le Sud.
Pascal Bodjona et Faure Gnassingbé sont deux gros filous et tueurs, s’arrangeant depuis 2005 à détourner toutes les richesses de notre pays, à humilier et torturer au jour le jour de pauvres Togolais qui n’ont toujours aspiré qu’à un seul rêve, vivre en paix, à envoyer en exil des milliers et des milliers de jeunes Togolais fuyant le chômage au Togo, à faire des veuves et des orphelins, assassinant et enlevant tous ceux qui osent s’opposer à eux… Je n’ai jamais vu une seule différence entre ces deux gangsters, quant à leur gestion de la chose publique togolaise, et leur zèle dans la barbarie. Le premier, aujourd’hui la victime, fut ministre et conseiller du second, il l’a intronisé en 2005 dans les flots de sang des Togolais, l’a soutenu avec toutes ses forces pour qu’il reste au pouvoir en 2010 après des élections perdues… Et si aujourd’hui, pour des raisons que nous, pauvres, ne comprendrons jamais, ces deux criminels décident de s’entretuer, il faut que nous nous y mêlions, au nom de notre appartenance à telle ou telle partie du Togo.
Un tueur cesse d’être un tueur en fonction de son origine et de l’origine de celui qui l’inculpe, un bourreau de notre région devient un saint quand il est poursuivi par un prédateur d’une autre région… Nos tortionnaires et braqueurs dévalisent notre pays, nous appauvrissent à loisir, foulent aux pieds nos droits les plus élémentaires, font périr nos parents dans la misère, nous vident, nous jeunes, de tout espoir et tout rêve… et en bonus nous opposent entre nous, quand nous décidons de nous lever pour les combattre, juste parce que nous ne sommes pas de la même région. Sacrée lutte que la nôtre.
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