Quand Jean-Pierre Fabre marche à tombeau ouvert

 

Quand Jean-Pierre Fabre marche à tombeau ouvert

Après la chair ratatinée et les vieux os de Gilchrist Olympio qu’ils n’ont pas encore digérés, c’est le sang chaud et très bouillant de Jean-Pierre Fabre qui va bientôt être servi à la table des grandes noces de Faure Gnassingbé, Pascal Bodjona, Titikpina et Cie. Le festin du siècle, Terre et Ciel !

Jean-Pierre Fabre, après le saccage de sa voiture de député par des gendarmes togolais qui tentaient d’empêcher la marche du Front républicain pour l’Alternance et le Changement, Frac, le 28 août 2010, se déclare prêt à offrir, comme Jésus, son sang et sa chair pour sauver le peuple togolais. « Je suis prêt à donner ma vie pour libérer le peuple togolais », déclare-t-il après l’accident.

Des tomes de romans à l’eau de rose travaillés, retravaillés, et mis au service d’un peuple laissé-pour-compte !

Donner sa vie pour son pays, nous croyons bien, est l’acte le plus sublime qu’un citoyen puisse commettre. C’est le geste le plus poussé de patriotisme. Et écouter Jean-Pierre Fabre, citoyen parmi les six millions que compte le Togo, en parler ne peut qu’émouvoir, car tout porte à croire aujourd’hui que tôt ou tard, à l’allure où vont les choses, les esprits s’échauffant un peu plus chaque jour, le Togo risque, hélas, de voir tomber certains de ses fils, pour pouvoir, enfin, se libérer de la dictature du Rassemblement du Peuple togolais qui montre jour après jour que le seul langage qu’elle puisse comprendre est celui des armes, de la révolte populaire. Il faut sincèrement, malheureusement, si toutes les tentatives pour ramener le Rpt à la raison ont échoué, qu’une partie du peuple togolais – parce que tout le peuple ne peut pas prendre des armes, prenne des armes pour organiser un soulèvement populaire, une révolte, pour chercher à balayer, anéantir certains vieux démons de la République que connaissent aujourd’hui tous les Togolais. Une rébellion de quelques jours, de quelques semaines, ou même de quelques mois, et tout sera, peut-être définitivement, réglé. Il a fallu que certains militaires nigériens acceptent, il y a quelques mois, de se sacrifier pour freiner Mamadou Tandja dans ses ardeurs de brute excitée. Il a fallu, en 1991, que des Maliens offrent leur vie en holocauste, pour sauver le Mali de la dictature de Moussa Traoré.  La prise de la Bastille, en France en 1789, s’inscrit dans cette même logique où certains citoyens, à un moment donné, doivent accepter de troquer leur vie contre la survie de leur patrie.  

Mais sommes-nous déjà arrivés à cette étape au Togo ? Toutes les tentatives pacifiques de sortie de crise ont-elle déjà échoué ?

Que Nenni !

Un mort de plus au Togo, comme l’a si bien dit le compatriote Pierre S. Adjété dans une de ses analyses, est une mort de trop pour le Togo. Dans les conditions actuelles. Un mort de plus aujourd’hui est un trophée de plus, de trop offert au Rpt dans sa saga. Un martyr de trop qui ne pourra même pas être pleuré par un peuple occupé à pleurer ceux qui sont déjà tombés, et qui n’ont pas encore pu être vengés. Avons-nous fini de pleurer Tavio Amorin ?

Que Jean-Pierre Fabre garde sa vie, parce qu’il en a besoin, sa famille en besoin, le Togo en a besoin. Car tout ce qui est opposition aujourd’hui au Togo repose sur lui. Le Car et la Cdpa ont décidé de garder le silence, émoussés. Kofi Yamgnane n’a pas encore totalement gagné l’estime du Togo, et Agbéyomé Kodzo n’inspire plus trop confiance aux Togolais. Le sang de Jean-Pierre Fabre versé dans les conditions actuelles, où le Rpt est en train de crier sa légitimité sur tous les toits depuis son fameux accord avec l’Ufc de Gilchrist Olympio, ne sera qu’un frais breuvage offert à la table des maffieux de Lomé 2. La vie sacrifiée de Jean-Pierre Fabre ne libérera aujourd’hui personne au Togo, elle plongera plutôt tout le peuple togolais, qui  n’a désormais d’yeux que pour lui, dans un désespoir total. Personne à part les cadres du Rpt qui seront, enfin, libres dans leurs bassesses et magouilles, et ces vieux hypocrites tapis dans l’ombre priant terre et ciel que l’Ufc disparaisse au Togo pour qu’ils puissent s’asseoir.

Il faut que Jean-Pierre Fabre comprenne, accepte, qu’il a commis une très grave erreur en laissant s’aggraver ses conflits internes avec Gilchrist Olympio qui de toute façon n’a plus rien à gagner ni rien à perdre au Togo, en organisant un congrès différent de celui convoqué par ce dernier qui demeure, quoi qu’il soit arrivé, le président national de l’Ufc. Il faut qu’il comprenne que le gouvernement – le Rpt - a tous les droits aujourd’hui de ne pas reconnaître les actes nés du congrès de sa branche. Et donc d’interdire toute manifestation venant de lui. De massacrer, comme il l’a toujours voulu, tous les contestataires des résultats de l’élection présidentielle du 04 mars dernier tacitement acceptés par Gilchrist Olympio et son groupe. La politique demeure ce qu’elle a toujours été, et ce n’est pas au Togo que l’on en changera les contours. On enfonce l’adversaire à chaque faux pas, pour sortir la tête de l’eau. Ce que nous dénonçons aujourd’hui comme ingérence du gouvernement togolais dans les affaires internes des partis politiques n’est que les coups du Rpt pour extirper son légendaire adversaire l’Ufc, comme le gouvernement togolais se confond au Rpt. Et le Rpt ne peut pas régler des problèmes internes d’un parti qui cherche à l’anéantir, qui a été pendant presque deux décennies son pire cauchemar. Il a profité de la crise interne de l’Ufc, il en profite, et en profitera tant que rien ne sera fait pour arrêter ce ridicule affrontement entre les cadres de l’Ufc qui affaiblit la lutte du peuple togolais. L’Ufc aurait fait la même chose à la place du Rpt, tous les partis politiques du monde, même ceux des plus grandes démocraties, l’auraient fait. Le Parti socialiste français se sert de chaque faux pas de Nicolas Sarkozy et de son groupe pour enfoncer l’Ump. L’expulsion des Roms de ces derniers jours orchestrée par Nicolas Sarkozy et sa bande de xénophobes, rapidement récupérée par les socialistes durant toute leur université d’été à la Rochelle pour discréditer le parti au pouvoir en est l’exemple le plus récent.

Jean-Pierre Fabre, au lieu de s’exposer à ces corps habillés du Togo, propriété exclusive du Rpt, qui n’ont jamais reculé devant le mal, doit reconnaître que ces marches des samedis, même si le peuple continue d’y participer, ont déjà montré leurs limites. Elles sont devenues depuis longtemps une pure errance, vidées de tout sens. Ces contestations ne signifient plus rien depuis qu’une partie de l’Ufc a rallié le gouvernement du Rpt. Nous ne passerons quand même pas une éternité pour le clamer. Tout ce qui peut aller à l’encontre de cette vérité n’est qu’enfantillage, baliverne, illusion.... tromperie. Si c’est une distraction qu’il cherche à offrir tous les week-ends aux jeunes Togolais, pour leur faire oublier pendant quelques temps les soucis, eh bien, qu’il leur organise à la plage des tournois de foot ou des pique-niques, s’il en a les moyens, ou transforme tout simplement ces marches en séance de footing matinal.

Le plus grand malheur de l’opposition togolaise réside dans ces vieux apostats sans vergogne, qui ont toujours peuplé cette opposition, ayant juré avec le mensonge et l’hypocrisie, qui pour nourrir leur popularité marchandée à coups de démagogie, sont obligés d’éblouir par des leurres un peuple déjà trop aveuglé par ses frustrations. Combien de temps doit-on perdre, combien de jours doit-on encore tuer dans l’oisiveté, combien de mois va-t-on encore s’amuser, tourner sur nous-mêmes comme des toupies, avant de faire comprendre à ces jeunes désespérés qui marchent, qui marchent et qui marchent, qui marchent jusqu’au point de ne plus savoir pourquoi ils marchent, que le Rpt ne restituera plus, après six mois, la victoire volée à l’Ufc ? Et quelle Ufc ? Celle-là qui n’est pas reconnue par le pouvoir ! Ah, l’Ufc, les Ufc ! Cet adage éwé nous met bien en garde, il n’est pas raisonnable de lancer un œuf à un épervier dérobant un poussin. L’opposition togolaise ne peut pas continuer de faire tourner le peuple togolais en rond en répétant chaque jour les mêmes erreurs, ces erreurs qui ont justifié tous ses échecs passés, et qu’elle peine à reconnaître. Dépenser toutes les énergies à contester par des moyens ridicules et toujours infructueux des élections déjà validées, et laisser au Rpt le temps d’organiser dans l’ombre des stratégies pour de prochaines magouilles électorales.

Jean-Pierre Fabre peut garder sa vie, et reprendre en toute tranquillité sa place à l’Assemblée nationale en tant que président du groupe parlementaire Ufc, c’est-à-dire la vraie Ufc, celle de Gilchrist Olympio, ou rapidement créer son propre parti – qui aura forcément, il faut oser le croire, le soutien de Kofi Yamgnane, de Kodzo Agbéyomé et d’une grande partie du peuple togolais – en attendant les prochaines élections législatives déjà si proches.

Mais s’il veut continuer de marcher pour plaire au peuple et à ces vieilleries si ignobles auxquelles même la mort ne semble pas s’intéresser, s’exposant aux balles de ces brutes de gendarmes, eh bien, il le fera pendant vingt ans, sans succès, comme son parrain Gilchrist Olympio, avant d’aller, vieux, se jeter dans les bras du Rpt pour se faire détester par le peuple. Ce même peuple qui sait aimer... et détester si facilement !